Camus est mort là, sur cette route bleue, route de mes week-ends de l’enfance. Il est mort là, après avoir traversé le village de mes grands-parents. Ni mon père ni ma mère ne me l’avaient jamais dit. Nous passions devant si souvent. Le savaient-ils seulement?
Le temps a passé. Lucile et Robert vivent les derniers jours de leur vie chez eux. Ils ne le savent pas. Sait-on jamais ces choses-là? Mieux vaut ne pas savoir. Je suis allé souvent les voir dans les moments de cette fin, écrite. Je les ai photographiés. Je crois qu’ils ont aimé. Ça mettait de la vie dans la maison désertée où résonnaient encore les éclats de rire de l’enfance.
Je me souviens de cette chaleur à crever dans la salle-à-manger transformée en véritable tripot. Elle avait toujours froid ma grand-mère. Quelque chose de son enfance à elle. Elle gueulait quand nous ouvrions les fenêtres en cachette. En ces derniers jours, elle se réfugiait dans la cuisine, instinctivement. Elle allumait le gaz. Elle oubliait. Elle se réchauffait. Je n’avais pas envie de l’engueuler. Elle aurait pu nous faire cramer tous les trois quand même.
Lucile a chuté en première. Mon grand-père l’a suivi peu après. Camus.